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QPC : la Cour de cassation n'aime pas la fiscalité

30 août 2010
QPC : la Cour de cassation n'aime pas la fiscalité

La Cour de cassation a eu du mal à se mettre à la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), de nombreux commentateurs s'en sont fait l'écho. Entre de rares et lentes décisions de transmission au Conseil constitutionnel et l'élaboration d'une question préjudicielle à la CJCE lui demandant de vérifier la compatibilité de la procédure de QPC avec le droit européen, la Cour de cassation a traîné les pieds pour la mise en oeuvre de cette réforme.

Si elle a désormais à peu près rejoint le Conseil d'Etat en terme de proportion de dossier transmis au Conseil (34,41% des dossiers transmis par la Cour de cassation contre 38% pour le Conseil d'Etat au 30/08/2010 selon les informations de leur site web respectif), il est un domaine de la QPC où la Cour de cassation a encore des progrès à faire : le droit fiscal.

Certes, la répartition de la compétence des juridictions en fiscalité conduit le Conseil d'Etat, dans le contentieux au fond, à traiter la majeure partie des dossiers, ce qui se retrouve en terme de quantité de QPC posées (24 pour le Conseil d'Etat, 10 pour la Cour de cassation si on élimine les duplications de la question sur l'article L16B du LPF).

Mais si l'on observe le taux de transmission au Conseil constitutionnel, la différence entre les deux juridictions est fappante : près de 30% pour le Conseil d'Etat (7 questions transmises), 10% pour la Cour de cassation (une seule question transmise, celle concernant l'article L16B du LPF).

Il ne s'agit pas de mauvaise présentation des questions : les refus de transmission de la Cour de cassation sont principalement des non-lieu à renvoi et non des irrecevabilités. On a plutôt le sentiment que la Cour ne s'intéresse pas au domaine... et ne veut pas qu'on le sache. Pour des raisons obscures, la Cour n'a pas publié 7 des 10 décisions concernant le droit fiscal (toujours hors duplication des décisions concernant l'artlcle L16B). De sorte qu'on ne peut que s'interroger sur les raisons de ces non-lieu à renvoi.

Au demeurant, il vaut peut être mieux qu'elle ne les publie pas. L'une d'entre elles en effet montre qu'elle n'a même pas pris la peine d'étudier la question. Celle-ci concernait la taxe sur les spectacles des articles 1559 et 1560 du Code général des impôts, une question qui a fait l'objet d'un précédent article sur ce blog. Le requérant considérait en effet que le système de calcul de la taxe, dont le taux monte jusqu'à 70% des recettes, était confiscatoire en lui-même, quelles que soient par ailleurs les pénalités qui pouvaient être infligées.

La Cour de cassation rejette la question par cet étrange attendu :

"Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce que, sous le couvert du caractère confiscatoire de la taxe sur les spectacles, le requérant se borne à contester le montant de l'impôt et non les pénalités encourues du fait des infractions poursuivies, que le juge a le pouvoir de moduler" (Pourvoi n° N10-90.050 - Arrêt n° 12061-D du 18/06/2010).

Evidemment, le requérant contestait le montant de son impôt, c'était là l'objet principal du litige. C'est d'ailleurs précisément ce montant exorbitant qui l'avait amené à développer l'argument selon lequel, non pas SON impôt, mais l'Impôt applicable à tous les assujettis et dont le calcul était issu des textes visés, l'impôt in abstracto, était confiscatoire.

La Cour alors, bien plus à son affaire dans la procédure pénale, les peines et pénalités, entraîne sa décision sur un terrain - les pénalités - qui n'était absolument pas celui de la question qui lui était présentée. Tout se passe en fait comme si elle avait voulu se débarasser du dossier après une lecture en diagonale de la question en rendant une décision rapide, mais surtout pas publiée, non pas parce qu'il s'agirait d'une enième décision sur une question rebattue mais simplement parce qu'elle montrerait trop clairement que le juge, bien que suprême, n'a pas fait son travail.

La Cour de cassation se prend pour Georges Marchais qui répondait à un journaliste qui lui reprochait :

"Ce n'était pas ma question M. Marchais"

"Oui, mais c'est ma réponse".